À Goodwood, dans une banlieue industrielle du Cap, Alison Alexander héberge neuf adolescents au sein de son foyer, Rainbow of Hope. Le teint mat et les cheveux grisonnants, la sexagénaire se fait encore du souci pour "ses enfants", qu’elle a pour certains recueillis quelques mois après leur naissance. "Ils sont toujours sur leur portable et répondent à des inconnus sur cette application ! Ils savent que je peux leur confisquer."

Alison Alexander les élève comme si c’étaient les siens. "Qu’ils soient mes enfants biologiques, mes petits-enfants ou des enfants placés, je les traite tous de la même manière", assure celle qui se bat depuis 27 ans pour leur offrir un autre avenir.

Plusieurs fois félicitée pour cet engagement par des prix humanitaires, Alison Alexander a élevé et accompagné une centaine d’enfants victimes de violences sexuelles et physiques.

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50% des Sud-africains victimes d’abus sexuels avant leurs 18 ans

Rainbow Of Hope

Trente ans après l’apartheid, l'Afrique du Sud semble enregistrer un bilan mitigé sur la protection des droits de ses enfants : le 25 janvier 2024, le Comité dédié des Nations unies a publié un compte-rendu de séance, examinant le rapport soumis par le pays, et dans lequel est pointée "la forte prévalence de la violence à l'encontre des enfants – en particulier en termes d'exploitation et d’abus sexuels, mais aussi en termes de violence domestique."

Selon les estimations du service statistique de la police en Afrique du Sud (SAPS), fournies par Alison Alexander, 50% des enfants sud-africains seront victimes d’abus sexuels avant leurs 18 ans.

"La plupart des jeunes recueillis ne sont pas orphelins. Ils ont souvent subi des abus sexuels, ou alors, leurs parents sont alcooliques, ou ont une addiction aux drogues, explique-t-elle. Et j’ai l’impression que cette situation s’aggrave. Les travailleurs sociaux ne placent presque plus les enfants, car ils ne savent pas où les loger.

Abusée sexuellement par un membre de sa famille quand elle était jeune, Alison Alexander a toujours su qu’elle viendrait un jour en aide à ces enfants. Mère au foyer, père chauffeur de bus : elle a grandi dans un quartier défavorisé à l’est du Cap, où elle avait pour habitude de jouer avec des jeunes de son âge, au sein d’un foyer insalubre pour mères célibataires.

"J’ai pensé qu’un jour, je voudrais ouvrir un lieu comme celui-là, mais il devra être géré différemment", se souvient-elle.

Alison Alexander commence par ouvrir une école maternelle dans le quartier défavorisé de Bishop Lavis, au Cap. Après la fin de l’apartheid, en 1997, elle convertit sa maison en foyer d’accueil, avec son mari et sa fille. "Mes enfants ont toujours grandi avec d’autres jeunes. Nous étions bénis, car nous avions une grande maison."

Alison Alexander se souvient par exemple de Gary, avec qui elle est toujours en contact : "Il est marié et a deux enfants. Chaque fois que je le vois, il me dit que j’ai été la mère qu’il n’a jamais eue."

En 2005, Alison Alexander franchit une nouvelle étape et arrête d'enseigner. Deux ans plus tard, elle ouvre un foyer d’accueil, Rainbow of Hope, à Goodwood.

"Elle avait une situation confortable à laquelle elle a renoncé pour aller au bout de son projet", raconte Valérie, une amie marquée par leur rencontre, lorsqu’elle était bénévole au sein du foyer en 2013.

Sur la photo : de gauche à droite, Keenan, Shakira, Shayner, Joey, Henriettan Lauretta, Samuel, Andrea, Alison, Zoé, Ezekiel, Lucy, Bryan, Dzign.

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Militer pour un système éducatif mieux adapté aux enfants victimes de traumatismes

DP

Obtenue grâce à un don, la maison de l'arc-en-ciel peut accueillir jusqu’à 12 enfants, l’objectif étant de les faire adopter. Mais Alison Alexander va rapidement déchanter. "J’ai été naïve quand j’ai commencé. J’ai cru qu’en allant à l’église, je trouverai des personnes intéressées pour adopter ces enfants. Mais ce n’était pas le cas, et ça m’a horrifiée. J’ai été très déçue", se remémore-t-elle, encore affectée.

Aujourd’hui, Andréa, Keenan ou encore Lauretta, bientôt âgés de 15 ans, vivent toujours chez Alison Alexander qui les a recueillis bébés. Très impliquée, elle a même adopté Zoé, placée chez elle à seulement deux semaines. Atteinte d’un syndrome d’alcoolisation foetale, la jeune fille a aujourd’hui 24 ans, et tente d’avoir son bac. "J’espère qu’elle passera ses trois dernières matières, prie Alison. Ce n’est pas parce que la société dit qu’il faut avoir son bac à 18 ans que ça doit être le cas pour tout le monde. Chaque enfant apprend différemment."

Selon la militante, le système éducatif sud-africain n'est pas adapté aux jeunes ayant subi un traumatisme. À Rainbow of Hope, Alison a donc mis en place l’école à la maison, ainsi qu’un programme strict d’activités extra-scolaires, accompagné d’un soutien psychologique en guise de thérapie. Elle a également ouvert une deuxième maison dans la même rue, pour les jeunes comme Zoé qui ont plus de 18 ans, et qui ne sont pas assez autonomes pour avoir leur propre logement.

Sur la photo : De gauche à droite, Samuel, Henrietta, Shakira, Alison, Lauretta (en bas), Andréa, Joey (en bas), Lucy.

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Surmonter le traumatisme

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Tous les matins, Alison se lève à 5h. Les enfants se réveillent à 6h, rangent leur chambre et participent aux tâches ménagères de la maison. À 7h, ils prennent le petit-déjeuner et à 8, l’école peut débuter.

L’après-midi est entièrement consacré aux activités sportives ou artistiques. Shakira, 16 ans, fait du piano le lundi et de l’escalade à haut niveau le jeudi. Lauretta pratique la danse aérienne. Lucy fait du foot et aimerait en faire son métier. Keenan et Samuel vont à la gymnastique tous les jours.

La pratique de ces activités est un moyen de surmonter leur traumatisme, selon Alison Alexander. "J'ai vu une différence entre avant et après. Pour moi, le bien-être mental ne consiste pas simplement à s'asseoir chez un psychiatre ou un psychologue pour se faire prescrire des médicaments. Il englobe aussi le bien-être physique, le bien-être spirituel, l'éducation, et tout le reste. Tout cela va ensemble."

Néanmoins, cette mère "au grand cœur" reconnaît leur imposer beaucoup de règles au quotidien. "Je peux être très ennuyeuse parfois", rit-elle. Mais Shakira ne semble pas lui en vouloir. Bien au contraire : "Elle a sacrifié toute sa vie juste pour nous. Elle a d'autres enfants aussi, mais elle a pensé à nous, qui vivions ailleurs, chez d'autres personnes, sans être en sécurité."

Alison Alexander vieillit, mais elle ne compte pas les quitter. "Quand tu es maman, tu ne peux pas dire que tu vas prendre ta retraite. Je les ai pris en charge, je leur ai promis un endroit où vivre, alors oui, je serai là pour eux, jusqu'à ma mort."

Sur la photo : Shakira contemplant les photos des enfants encore hébergés à Rainbow of hope.

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