Beth Koigi, ingénieuse fondatrice de l’entreprise Majik Water et lauréate du Prix Rolex, raconte à Marie Claire l’histoire derrière la création de son générateur d'eau atmosphérique (AWG). Et annonce vouloir installer des kiosques à eau dans les pays d’Afrique australe, menacés par de très fortes sécheresses. 

Entrepreneuse dès l'université

Marie Claire : Quel a été votre parcours avant de fonder Majik Water ?

Beth Koigi : J'ai grandi dans une petite ferme à Limuru, une région verdoyante. À l'université, située à l'est du Kenya, nous allions chercher aux robinets du campus une eau brune gorgée de limon. 80 % des maladies dia­gnostiquées chez les enfants étaient d'origine hydrique, comme les amibes et le choléra. J'ai dû fabriquer mon propre filtre à eau avec du charbon actif. Puis, en 2016 et 2017, nous avons connu des sécheresses prolongées.

Je n'avais jamais été confrontée à cette situation où les communautés doivent lutter pour obtenir de l'eau potable, et dépendent des agences de déve­loppement, comme l'ONU, pour son acheminement. Cela a été un signal d'alarme. J'ai donc commencé à chercher d'autres sources possibles d'eau potable, même en cas de sécheresse. Mon parcours m'a permis de passer de la filtration de l'eau aux technologies air­eau.

Avec le change­ment climatique, les sécheresses seront de plus en plus récurrentes dans les pays d'Afrique australe.

L'atmosphère contenant la réserve d'eau douce la plus abondante sur Terre, vous avez conçu un générateur d'eau atmosphérique (AWG) fonctionnant à l'énergie solaire...

En fait, ce principe a déjà été utilisé. Des communautés disposent des tôles dehors la nuit, puis récupèrent l'eau pour la boire. Mais c'est une très faible capacité, un verre ou une tasse d'eau. D'autres récoltent le brouillard et la brume dans les hautes terres. Chaque système a sa propre configuration adaptée à sa région.

Notre premier prototype produisait 10 litres d'eau par jour, c'est peu, même pour un foyer. Aujourd'hui, notre système fonctionne dans une région avec des conditions d'humidité très faible. Avec un ventila­teur et un composant réfrigérant, et selon la quantité d'air qui pénètre dans l'appareil, notre plus gros volume est de 500 litres d'eau par jour.

Des kiosques à eau pour moins 1 dollar

Comment les villageois ont-ils accès à cette eau potable ?

L'année dernière, nous avons installé des kiosques à eau : nous vendons l'eau à la communauté, le moins cher possible, en tenant compte du coût opérationnel. Pour le moment, elle est à 10 shillings kenyans, soit 0,01 dollar le litre. Majik Water forme des femmes et des jeunes de la région à la gestion de ces kiosques.

Quels objectifs le Prix Rolex vous aidera-t-il à poursuivre ?

Le Prix Rolex nous offre une grosse couverture médiatique qui nous permet de trouver de nouveaux partenaires. Mais au-delà, grâce à ce financement, nous allons accroître notre production et installer plus de kiosques à eau. Avec le change­ment climatique, les sécheresses seront de plus en plus récurrentes dans les pays d'Afrique australe. L'avenir sera d'y implanter nos générateurs.

Cette interview a été initialement publiée dans le magazine Marie Claire numéro 862, daté juillet 2024.