En matière d’âge, les manières de se tenir et de marcher sont au corps ce que les rides ou l’élasticité de la peau sont au visage. Contrairement aux idées reçues, il ne suffit pas de se tenir droit pour garder une belle posture élancée

"Légèreté, agilité, tonus… Les marqueurs d’un corps jeune sont multiples", indiquent Marie et Philippe Amar, enseignants de yoga, fondateurs du Studio Yoga Lille et auteurs de Tout le monde peut faire du yoga (Ed. La Plage).

Des qualités qui s’estompent naturellement… dès la quarantaine ! Alors, comment faire pour contrer les effets du temps sur notre manière de nous tenir ? 

La posture s’affaisse dès 35 ans

Même si cela se voit clairement plutôt à partir de la cinquantaine, le système musculosquelettique entame une forme de déclin entre 35 ans et 40 ans.

"La densité osseuse diminue, car la capacité de renouvellement du tissu osseux devient plus faible que sa destruction", décrivent Marie et Philippe Amar. "Le phénomène s’accélère chez les femmes au moment de la ménopause".

On constate par ailleurs une dégradation naturelle des tissus des articulations, cartilages en tête. "En bref, c'est le début d'une arthrose inéluctable. Les disques intervertébraux se tassent, car leur épaisseur s'amincit ; résultat : on perd des centimètres en hauteur" complètent les enseignants.

Autre phénomène lié à l’âge, la sarcopénie, ou fonte de la masse musculaire, cible à la fois le nombre de fibres musculaires et leur épaisseur.

"Cette lente érosion, qui est notre sort à tous, s’installe silencieusement, à notre insu. Avant la quarantaine, on peut s'en sortir sans activité physique, mais après, il faut vraiment s'occuper du corps. Si on veut passer le cap des 60 ans en forme, c'est à 40, 45 ans qu'il faut installer les bonnes habitudes" conseillent les pros. 

Donner la priorité aux muscles

"La perte de tonus musculaire affecte en premier la posture",estime Major mouvement (@majormouvement), le kinésithérapeute star des réseaux sociaux et auteur de 8 piliers pour rester jeune le plus longtemps possible, (Ed. Marabout).

"Les muscles qui permettent de nous tenir droit sont notamment ceux du dos, du cou et des épaules. Plus ils s’affaiblissent, plus on a tendance à se courber". Ordonnance du célèbre kiné à bretelles ? "Maintenir une activité physique régulière, n'importe laquelle, tant qu'elle nous fait plaisir".

Les meilleures pour la posture, selon lui ? Toutes celles qui favorisent l'extension, comme le yoga, le Pilate, la danse, la musculation. Recommandation de l’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé), y compris pour les seniors : entre 1 et 3 séances par semaine, dont une axée sur le "renforcement musculaire contre résistance".

Double effet Kiss Cool : il y a un lien essentiel entre respiration et posture. "Quand je me tiens bien, je respire mieux, et quand je respire bien, j'ai tendance à mieux me tenir", décrit Major Mouvement. 

Miser sur l'intensité 

Si on veut rajeunir sa posture, pas de secret, selon Major Mouvement : mettez les bouchées doubles en termes d’intensité ! Pour cela, il ne faut pas se tromper de combat. "Si on vise uniquement à rajeunir la posture, on va finir par se tenir un peu plus droit avec beaucoup d’effort, et notre énergie risque de s’éparpiller. Si on se concentre au contraire sur une activité physique complète, la posture rajeunie sera le bénéfice secondaire", précise le pro. 

Inutile, donc, d'être focalisé uniquement sur la posture, mieux vaut investir dans des vraies séances de sport. "Si vous n’y arrivez pas, les petits exercices, c’est mieux que rien. Mais pour vraiment ouvrir le corps, dynamiser la posture, il faut développer les muscles", cadre-t-il.

Bien sûr, il va falloir changer vos habitudes. Mais pas besoin de tout révolutionner ! Major Mouvement rappelle la loi de Pareto : 20 % de nos actions apportent 80 % des résultats. Par exemple, chez les seniors, il suffirait de 12 minutes d’activité physique par jour pour avoir des bénéfices. Et pour 95 % d’entre vous, deux minutes d’étirements par jour, même devant Netflix, aideront à gagner en souplesse

Se muscler, oui, mais intelligemment, précisent Marie et Philippe Amar, qui invitent à penser en matière d’équilibre : tous les muscles posturaux profonds doivent être entretenus. "On évite les abdos qui dessinent les tablettes de chocolat, on mise plutôt sur le renforcement des transverses ; on travaille aussi les fesses, le dos - et pas seulement le haut ! L'équilibre musculaire permet à la colonne vertébrale - nuque comprise, d'être tenue, au bassin d’être stable, aux épaules, d’être ouvertes, sans que cela nous fatigue", expliquent-ils.

De la force, mais aussi de la mobilité

Du côté de Muriel, kinésithérapeute, ostéopathe et fondatrice du blog Adapter Son Yoga, on insiste sur une routine qui n’oublie pas d’étirer le psoas. Ce muscle qui relie le buste aux jambes en passant à l’avant de la hanche se rétracte avec l’âge. Or, un psoas trop court ne permet plus d’aller en extension complète.

Quand c’est très visible, (après 60 ans), la personne se tient un peu pliée vers l’avant, comme dans la position du skieur. "Un œil aiguisé peut repérer cette tendance dès la cinquantaine chez des populations sédentaires…", explique la bloggeuse pro. On favorise donc les postures de yoga en fentes, en version debout (posture du Guerrier 1), ou genou à terre (Anjaneyasana). Et dans la vie quotidienne, on pense à faire des grands pas en marchant ! 

"Bien sûr, il est bon d’étirer un psoas enraidi, mais faire des fentes ne suffira pas à rajeunir la posture. Il faut aussi avoir des fesses fortes, un gainage à la fois profond et superficiel", observent Marie et Philippe Amar.

Le yoga est excellent pour la posture car il exerce un bon stress sur les os, ce qui va favoriser la densité osseuse ; les articulations sont mobilisées dans toutes les directions, ce qui permet de bien lubrifier les cartilages ; et les muscles sont entretenus, renforcés. Il suffit d’ajouter une bonne séance de cardio dans la semaine et le tour est joué.

Ne pas oublier de stimuler son cerveau 

Cultiver une posture jeune implique aussi, grâce à la pratique sportive, de stimuler certaines fonctions cérébrales. "Toutes les disciplines qui travaillent régulièrement l'équilibre postural, autre marqueur de jeunesse, sont bonnes", constatent Marie et Philippe Amar.

Les enchaînements de mouvements (Tai qi quan) et les pratiques plus dynamiques comme les vinyasas – yoga enchaîné - ou la danse, cultivent l'agilité, la coordination, la vivacité. Autant de qualités qui éviteront les chutes qui menacent les seniors qui n’auront pas installé à temps une hygiène de mouvement adéquate. 

Changer d’état d’esprit vis-à-vis du corps

Poser les jalons d’une nouvelle manière de faire du sport exige de reconfigurer notre approche du mouvement et d’acquérir de nouveaux repères autour d’un corps qui change. Selon Marie Amar, il y a une moindre capacité de récupération en cas de blessure, d'où une prudence à développer dans l’effort.

"En ce sens, le yoga adapté est très utile car il nous évite de faire n'importe quoi, même si à 45 ans, c'est un discours qu'on n'a pas envie d'entendre. L'image que l'on a de soi est souvent décalée de la réalité du corps. Les femmes commencent à être sensibles à la question après la ménopause, ou après des blessures", considère l’enseignante et auteure.

Major Mouvement encourage d’ailleurs les femmes à consulter, leur médecin ou leur gynéco, passées 50 ans, afin de vérifier leur densité osseuse.

Le yoga est une discipline qui peut être commencée tôt, en mode intensif, sans accessoires, mais aussi pratiquée à un âge très avancé, adapté correctement avec l’aide d’accessoires. "La salutation au soleil, par exemple, se fait aussi très bien avec la chaise", illustre le couple de yogis.

D’où l’intérêt d’installer le plus tôt possible cette pratique adaptée. "Mais on peut commencer à tout âge, même à 70 ans. Il suffit de trouver le bon cours", sourient les experts. "On aime l'idée que les élèves de tous âges, y compris des octogénaires, se croisent au studio".

3 exercices pour garder sa posture "jeune"

  • L'exercice de Major Mouvement : le Shrugg

"Il est top pour travailler la respiration et la chaîne postérieure. Et surtout si vous avez des douleurs d’épaule, éventuellement des douleurs cervicales, des douleurs dans le dos, que vous ne vous tenez pas très bien et que vous avez envie de développer du muscle", dit-il.

Mode d’emploi ? Prenez deux haltères. Tournez les pouces vers l’extérieur. Écartez les bras à peu près à 30-35 degrés. Imaginez comme un mouvement de piston des cervicales qui vont venir chercher vos oreilles le plus haut possible en levant les épaules. Vos bras s’écartent légèrement. Il est normal de sentir vos épaules chauffer. C’est le but de l’exercice, à répéter 30 à 60 fois, avec une minute de repos entre chaque série (4, dans l’idéal).

On commence avec deux haltères de 4 kg. Et au fil des semaines, on passe à 8 kg ou un pack d’eau dans chaque main. Ça marche aussi avec une kettlebell.

  • L’exercice bonus Marie et Philippe Amar : la posture de yoga de la sauterelle (Salabhasana)

Un "baby backbend" (extension arrière accessible) pour renforcer toute la face postérieure du corps, ouvrir la poitrine et les épaules.

  1. Allongez-vous sur le ventre, les jambes tendues, les pieds joints, les orteils pointés vers l’arrière, les bras le long du corps, paumes de mains vers le plafond. Posez le front au sol.
  2. Tendez les bras et levez les bras jusqu’a` ce qu’ils soient parallèles au sol, mains a` la largeur des épaules. (Débutants : crochetez les pouces)
  3. Tirez les épaules vers l’arrière.
  4. Absorbez le coccyx, poussez les os fessiers vers le sol et pressez le pubis au sol.
  5. Inspirez et, en gardant les épaules roulées vers l’arrière, le coccyx absorbe´ et les jambes tendues, soulevez le buste et les jambes le plus haut possible.
  6. Étirez tout le buste vers l’avant et les jambes vers l’arrière.
  7. Levez les cuisses et les côtes loin du sol. Si possible, seuls le ventre et le pubis sont en contact avec le sol.
  8. Gardez les bras parallèles au sol et les mains écartées a` la largeur des épaules.
  9. Regardez vers l’avant.
  10. Restez 20 a` 30 secondes dans la posture.
  11. Expirez, relâchez le corps sur le sol.
  • L’exercice bonus de la kiné et bloggeuse Muriel : l’auto-agrandissement à faire un bureau

Position de départ : assis sur un tabouret ou une chaise, pieds posés à plat au sol. Si vous êtes d’un naturel souple ou hyperlaxe, très cambré en position assise, effacez votre cambrure lombaire légèrement, sans perdre en hauteur de taille. Cette morphologie est plutôt rare dans la population générale, mais très fréquente parmi les pratiquants de yoga. Si vous êtes avachi, arrondi, voûté en position assise, faites un effort pour cambrer légèrement jusqu’à l’alignement, et vous sentir grand. Cette morphologie est de loin la plus fréquente dans la population générale et notamment pour les personnes souffrant du dos. 

Le placement des épaules et du thorax va dépendre des morphologies, l’objectif étant d’atteindre un alignement de l’axe vertébral. Dans l’écrasante majorité des cas, resserrez vos omoplates et faites jaillir la poitrine en avant…sans augmenter la cambrure des lombaires !

L’alignement doit rester doux. Vous devez être "tenu mais pas tendu". Il est courant que ce simple alignement ne soit pas possible sans crispation. Ne forcez pas, entrainez-vous à placer les lombaires puis les dorsales et enfin après quelques semaines, vous pourrez sans doute aligner les deux régions ensemble.

Placez désormais votre tête en rentrant le menton et en gardant le regard horizontal. Très souvent au début, le regard se porte au sol et pas à l’horizon. Accrochez au mur devant vous un post-it à votre horizontale du regard et ne le quittez pas du regard. Vous devriez ressentir un étirement à l’arrière de la nuque.

Si vous débutez, relâchez les premiers alignements et concentrez-vous uniquement sur le plancher pelvien. Toujours assis, imaginez que vous retenez un gaz ou réprimez une envie d’uriner ; observez la remontée des sphincters en vous. En aucun cas, vous ne devez avoir une sensation de poussée ou de descente contre la chaise.

Ensuite expirez. Replacez la colonne vertébrale alignée, du bassin à la tête, comme vu précédemment. Au début de l’expiration, contractez votre plancher pelvien de l’anus vers le pubis et poussez le sommet de la tête vers le plafond. 

Sentez que vous vous étirez et que vous allongez la colonne vertébrale. Observez que la contraction du périnée remonte subtilement vers le nombril et que votre nombril est absorbé vers la colonne vertébrale. Inspirez par le nez, en conservant votre hauteur.  Continuez sur une dizaine de respirations amples et profondes si possible.