"Où sont les femmes ?" L'Académie des sciences pose la question en titre de son édifiant rapport* qui pointe et décrypte la sous-représentation des femmes dans les métiers scientifiques et leurs conséquences, pour les talents féminins et la société tout entière.
En 2025, l'Institution ne se contente pas de constater ces manquements. Le 14 janvier dernier, l'astrophysicienne Françoise Combes, reconnue pour ses travaux sur la formation et l'évolution des galaxies, a été élue présidente de cette même Académie royale. Avant elle, seule une femme avait occupé cette fonction - en 359 ans - : il y a trois décennies, la biochimiste Marianne Grunberg-Manago devenait la toute première présidente.
Aux côtés de Françoise Combes, dix femmes ont été élues à l'Académie des sciences, sur ses 18 nouveaux membres. Retour sur leurs parcours brillants et pluriels, à l'occasion de la Journée des femmes et des filles de science.
Yasmine Belkaid
Ses travaux pionniers sur le rôle du microbiote et de la nutrition dans la régulation de l'immunité, mais aussi, sur les conséquences à long terme de l'infection sur la physiologie de l'hôte, sont reconnus à l'échelle mondiale.
Yasmine Belkaid, immunologiste et chercheuse, professeure et actuelle directrice générale de l'Institut Pasteur, également fondatrice aux États-Unis de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, intègre la commission biologie et santé de l'Académie des Sciences.
Stéphanie Debette
À ses côtés, au sein de cette même commission : Stéphanie Debette, directrice générale de l'Institut du cerveau et de la moëlle épinière.
Cette neurologue et épidémiologiste mène des études mondialement reconnues sur les maladies vasculaires cérébrales. Professeure des universités, ancienne directrice du laboratoire Inserm Bordeaux Population Health, puis l’Institut hospitalo-universitaire VBHI sur la santé vasculaire cérébrale, la chercheuse a aussi reçu le Grand Prix Inserm 2024.
Aleksandra Walczak
Autre commission, autre impressionnant CV. La biophysicienne Aleksandra Walczak rejoint, elle, le groupe "Mesurer, modéliser, prédire" de l'Académie des sciences.
Directrice de recherche au CNRS et au Laboratoire de physique théorique de l'École normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris), elle confronte également des processus biologiques à des données quantitatives, et propose des algorithmes pointus d'analyse de données et des modèles quantitatifs.
Huit ans après avoir obtenue celle de bronze, Aleksandra Walczak a décroché en 2024 la médaille d'argent du CNRS. Pour l’ensemble de ses travaux, elle fut aussi lauréate du prix Jacques Herbrand en 2014.
Claude Grison
C'est une autre directrice de recherche au CNRS qui vient d'être élue à la prestigieuse académie.
Aussi directrice du laboratoire de Chimie bio-inspirée et innovations écologiques (CNRS/Université de Montpellier), Claude Grison développe des méthodes de décontamination de sites miniers et de l’eau grâce à des plantes, et la récupération des métaux que ces dernières ont absorbés pour la synthèse des médicaments ou de produits cosmétiques. Ses recherches ont permis la production de 3 500 biomolécules complexes à synthétiser autrement.
Pionnière de l'écocatalyse, nouvelle approche scientifique à mi-chemin entre l'écologie et la chimie, elle reçoit la médaille de l'innovation en 2014 et le prix de l'inventeur européen en 2022.
Elle intègre naturellement la commission "transition et environnement" de l'Académie des sciences.
Valérie Masson-Delmotte
La climatologue Valérie Masson-Delmotte devient elle aussi membre de cette commission sous le signe de l'écologie.
Directrice de recherche au (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA/CNRS/Université Versailles Saint-Quentin), cette scientifique a co-dirigé le groupe numéro 1 du Giec de 2015 à 2023. Valérie Masson-Delmotte écrit aussi des livres adressés au grand public ou aux enfants pour expliquer ce que la science sait sur l'évolution du climat et ses conséquences.
En 2022, le magazine Time choisit de la faire figurer dans son mythique classement des 100 personnes les plus influentes au monde, tant elle est une voix écoutée sur le dérèglement climatique, qui permet de lutter à grande échelle contre le climatoscepticisme.
Florence Gazeau
L'an passé, Florence Gazeau, physicienne spécialiste de la nanomédecine, s'est vue récompenser de la médaille d'argent du CNRS des recherches au laboratoire "Matière et systèmes complexes" (CNRS/Université Paris Cité), pour ses travaux dans le domaine du nanomagnétisme appliqué à la médecine.
Nouvelle reconnaissance reconnaissance dès les premiers jours de 2025 : l'Académie des sciences vient de faire d'elle l'une de ses 18 membres. Elle rejoint la commission "interfaces".
Purificación López-García
Purificación López-García intègre ce même groupe et se vêtit à son tour du prestigieux habit vert.
Cette biologiste, directrice de recherche au CNRS au laboratoire "Écologie, systématique et évolution" (CNRS/AgroParisTech/Université Paris-Saclay), a contribué à l'identification des formes de vie dans les environnements naturels les plus inhospitaliers. Son expertise précieuse et rare en biologie de l'évolution, des origines de l'arbre du vivant lui vaut une renommée internationale.
Karine Chemla
Reconnue mondialement pour ses recherches sur l'histoire des mathématiques chinoises, Karine Chemla, parmi les nouvelles membres de l'Académie des sciences, intègre logiquement la commission "histoire, philosophie et éthiques des sciences".
Directrice de recherche au CNRS, au laboratoire "Sciences, Philosophie, Histoire" (Sphere, unité CNRS/Université Paris Cité), cette mathématicienne fait aussi partie, entre autres, de l'Académie internationale d’histoire des sciences.
Karine Chemla a coproduit une version bilingue chinoise/français et critique de l'ouvrage fondateur Les Neuf Chapitres sur l'art mathématique et dirigié de 2001 à 2008 le groupe REHSEIS (Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institutions scientifiques) du CNRS et de l'université Paris 7.
Elle reçoit en 2008 une médaille d'argent du CNRS, et en 2020, le prix Otto-Neugebauer de la Société mathématique européenne.
Anne-Marie Kermarrec
Anne-Marie Kermarrec a consacré ses travaux à l'informatique distribuée à très grande échelle, des algorithmes épidémiques aux systèmes collaboratifs d'apprentissage automatique. Directrice de recherche à l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), aussi professeure et directrice de la section informatique de l'École polytechnique fédérale de Lausanne depuis 2020, elle intègre la commission "sciences informatiques et de l'information" de l'Académie des sciences.
L'autrice de Numérique, compter avec les femmes (Odile Jacob) lutte contre le manque de parité et l'invisibilisation des chercheuses dans le milieu scientifique, et informatique, en particulier.
Anne Canteaut
Anne Canteaut, qui a aussi été directrice de recherche à Inria, rejoint elle aussi cette commission. Experte à la renommée internationale dans le domaine de la sécurité des systèmes informatiques, cette chercheuse en cryptographie - la protection des données et des communications - fut lauréate en 2023 du prix Irène Joliot-Curie, qui promeut la place des femmes dans la recherche, dans la catégorie "Femme scientifique de l'année".
*"Sciences : où sont les femmes ? Rapport", en ligne le 18 juin 2024, rédigé par le groupe "Femmes et Sciences" de l'Académie des sciences.