C'est en 1977, l'année où Jacques Chirac devient maire de Paris, où le punk explose et où Marie Myriam remporte l'Eurovision avec L'Oiseau et l'Enfant, qu'Elula Perrin sort de l'ombre. Et quelle sortie !

Elula Perrin, reine hors-norme de la nuit

Patronne de la boîte de nuit parisienne Le Katmandou, Elula (qui s'appelle en réalité Huguette) publie un ouvrage retentissant : Les Femmes préfèrent les femmes. Elle y raconte sa naissance à Hanoï, alors capitale de l'Indochine française, d'un père français et d'une mère métisse eurasienne, son mariage qui tourne court, la découverte de son homosexualité et son arrivée dans le monde de la nuit.

Mais aussi ses nombreuses histoires d'amour avec des femmes, ou le poids de la stigmatisation qui pèse sur les gays et lesbiennes qu'on appelle encore les "invertis" (à l'époque, l'homosexualité tombe sous le coup de la loi*). Et de tout cela, Elula en a marre.

Elle le clame haut et fort à la télévision et à la radio, face à Jacques Chancel ou Philippe Bouvard, et incarne soudain "la" lesbienne aux yeux des Français·es. La première à s'afficher comme telle, à oser témoigner de cette drôle de vie tout en présentant une figure bon chic bon genre, bien éloignée du cliché de la "camionneuse". Car Elula Perrin est une bourgeoise assumée.

Autrice de romances lesbiennes

Dans son night-club Le Katmandou (non loin de chez Castel), les femmes sont volontiers blondes et d'une allure très années 80, du genre épaulettes et coiffure de lionne. Malgré tout, Elula Perrin continue de faire scandale. Elle publie de nouveaux livres sur l'amour des femmes, doit quitter Le Katmandou sous la pression de ses voisins.

Qu'à cela ne tienne ! Elle ouvre Le Privilège au Palace, puis L'Enfer... Mais les années passent. La pionnière devient-elle ringarde ? Avec l'arrivée du Pulp en 1997, un club lesbien joyeux, électro et avant-gardiste, l'univers d'Elula Perrin en prend un coup. Elle meurt en 2003, éternellement "lesbienne", car, disait-elle, "Lesbos est une île blanche au milieu d'une mer saphir, Sapho y a vécu, elle qui chanta nos amours et reste la première d'entre nous".

(*) L'homosexualité est dépénalisée en France en 1982. L'OMS la raye de la liste des maladies mentales en 1990.

Ce portrait a été initialement publié dans le Marie Claire numéro 850, daté juillet 2023.