[Edit : Mardi 11 mars 2025, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé que "l'Etat [français] a commis des fautes en accordant des autorisations de vente d'insecticides à base de chlordécone", en Guadeloupe et en Martinique entre 1972 et 1993, et a tranché que pour "dizaine de personnes" le "préjudice moral d'anxiété" est démontré et qu'elles doivent être indemnisées. Leurs preuves apportées ont permis à la cour d’établir une "exposition effective à la pollution des sols, des eaux ou de la chaîne alimentaire" et un risque élevé de développer une pathologie grave.
Une décision historique, mais qui créé des réactions mitigées du côté des parties civiles, car au total, ce sont 1 286 plaignants de Guadeloupe et de Martinique, exposés à ce pesticide toxique qui a pollué les sols et les eaux interdit en France depuis 1990, réclamaient une indemnisation au titre d'un "préjudice d'anxiété".
Le 24 juin 2022, en première instance, le tribunal administratif de Paris avait déjà reconnu l'État coupable de "négligences fautives" en autorisant la vente d'insecticides contenant du chlordécone et en autorisant son utilisation au-delà des délais légaux, mais avait rejeté ses demandes d'indemnisations.
Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte à la Guadeloupe et à la Martinique est contaminée par le chlordécone. Les hommes présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
En 2022, avant cette décision, la rédaction Marie Claire était partie à la rencontre des Antillais qui demandaient réparation. Cet article a été publié initialement en juillet 2022. Notre reportage débute ci-dessous.]
Sur le parking de la gendarmerie du Marin, petit bourg côtier du sud de la Martinique, des vibrations s’élèvent au-dessus des drapeaux Rouge-Vert-Noir (RVN), les couleurs du mouvement anticolonialiste martiniquais. Le son grave s’échappe des conques de lambi dans lesquelles soufflent une jeune femme en treillis et un grand type maigre. Pendant l’esclavage, les "Marrons" utilisaient ce coquillage caribéen pour communiquer de morne à morne, ces collines aux flancs raides dans lesquelles ils trouvaient refuge.
Ils sont une petite trentaine, ce matin, à avoir répondu à l’appel sur les réseaux sociaux : soutenir leur camarade Aude Goussard, responsable de formation et témoin dans le cadre d’une enquête pour dégradation de bien d’autrui – des poubelles incendiées à Cap Est le 22 mai 2021. En cette date anniversaire de l’insurrection des esclaves qui a précipité l’abolition de l’esclavage en Martinique, elle avait participé à une marche dans ce quartier du François où vivent les familles békés les plus nanties de l’île.
Ce matin, au Marin, l’atmosphère est inflammable. "Dégagez !" gueule un militant aux gendarmes. Le sonneur de lambi s’époumone : "Les békés nous oppressent depuis quatre cents ans, faites votre boulot ! Qu’avez-vous fait contre le chlordécone ?"
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