"Aux Grand Hommes de la patrie reconnaissante". Dès son fronton, le Panthéon, monument historique parisien où reposent d'illustres personnalités françaises, donne le ton. 

Sur les 82 personnalités qui y demeurent, on dénombre en 2024... Sept femmes. Sophie Berthelot, la physicienne Marie Curie, les résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, et plus récemment Simone Veil et Joséphine Baker, ont reçu l'insigne honneur de reposer dans la célèbre crypte. Elles sont rejointes ce mercredi 21 février 2024 par la résistante d'origine arménienne Mélinée Manouchian, qui y entre aux côtés de son époux, le résistant et militant communiste Missak Manouchian, condamné à mort et fusillé il y a 80 ans jour pour jour avant cette reconnaissance de la patrie.

Ces dernières années, les demandes pour faire entrer au Panthéon des femmes méritantes, ayant oeuvré pour la France, se sont multiplié. Dans le cas de Joséphine Baker, artiste résistante, féministe, engagée dans la lutte anti-raciste, c'est une pétition largement relayée qui a relancé le débat. Des voix parfois entendues puisque, en août 2021, le Président de la République Emmanuel Macron annonçait que cette dernière y entrerait en novembre de cette année-là. Elle devenaitainsi la 7ème femme et la première femme noire à y reposer.

C’est à partir de 1791, à la suite d'une décision de l’Assemblée Nationale, que la dépouille de certaines personnalités y est admise. Des hommes donc, politiques, scientifiques, écrivains, religieux, militaires etc, qui ont tous marqué l'Histoire de la société française. Aucune femme n’y entrera avant 1907.

1/6

Sophie Berthelot, première femme panthéonisée pour reposer avec son mari

Keystone-France/Getty images

1907 c’est déjà plus d'un siècle après que le premier homme illustre a été autorisé à rejoindre la crypte du Panthéon. À cette époque, la raison pour laquelle Sophie Berthelot est autorisée à y être inhumée n'a aucun rapport avec son parcours. Lorsqu’elle décède en 1907, son mari, Marcellin Berthelot, homme politique et chimiste au 1.000 brevets scientifiques, décède à son tour quelques jours plus tard.

Comme le rapporte Le Point, sa famille accepte de lui faire rejoindre le Panthéon comme dernière demeure seulement si sa femme peut être enterrée à ses côtés. Sophie Berthelot entre donc au Panthéon pour reposer au côté de son mari.

Une place d'épouse, sur laquelle le ministre Aristide Briand aura bien insisté lors de son éloge en 1907 : "Elle avait toutes les qualités rares qui permettent à une femme belle, gracieuse, douce, aimable et cultivée, d'être associée aux préoccupations, aux rêves et aux travaux d'un homme de génie". Après tout, ne dit-on pas que derrière chaque grand homme se cache une grande femme...

2/6

Marie Curie, une entrée au Panthéon tardive

Hulton Deutsch / Getty Images

Elle est la seule femme au monde à avoir reçu deux prix Nobel. En 1895, elle épouse le physicien Pierre Curie avec qui elle remporte le Nobel de Physique en 1903. Puis en 1911, Marie Curie reçoit le Nobel de Chimie.

La scientifique meurt en 1934. Mais elle n’entrera au Panthéon que des décennies plus tard. En 1995, elle est la première femme à y entrer pour ses propres mérites. C’est sous la présidence de François Mitterrand, mais surtout sous l’impulsion de Simone Veil, qu’elle obtient sa place au coeur du monument du quartier Latin.

À l’occasion des 150 ans de la naissance de Marie Curie, une exposition au Panthéon s’est tenue entre 2017 et 2018. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux disait : "Célébrer la mémoire de Marie Curie, entre les murs du Panthéon, était une évidence. Monument honorant la mémoire collective des Grands Hommes, il est un lieu particulièrement symbolique pour Marie Curie - première femme à y être entrée. À travers elle, ce sont toutes les femmes qui travaillent pour la recherche et pour la science qui doivent se sentir honorées", peut-on lire sur le site du Panthéon.

À travers elle, ce sont toutes les femmes qui travaillent pour la recherche et pour la science qui doivent se sentir honorées

Elle repose aujourd’hui dans la crypte du Panthéon, plus précisément dans le caveau VIII, avec son mari Pierre Curie.

3/6

Germaine Tillion et Geneviève De Gaulle-Anthonioz, des résistantes au Panthéon

Herve CHAMPOLLION/Getty Images

Après Mitterrand, c’est le président François Hollande qui fera entrer deux nouvelles femmes au Panthéon. Des résistantes de la Seconde Guerre Mondiale : Germaine Tillion et Geneviève De Gaulle-Anthonioz. Les deux combattantes se sont rencontrées après avoir été déportées dans le camp de concentration de Ravensbrück.

Germaine Tillion

Leur place d'honneur au Panthéon leur est accordée seulement le siècle d’après. En 2015, le président François Hollande y fait entrer quatre figures de la Résistance française, dont les deux femmes.

Geneviève De Gaulle-Anthonioz, nièce du général De Gaulle, est la première femme décorée de la Grand-croix de la Légion d'honneur. Quant à Germaine Tillion elle est la deuxième femme à devenir Grand-croix de la Légion d'Honneur. 

Sur place, leurs cercueils sont pourtant vides ! Leurs dépouilles n'y reposent effectivement pas. Les familles ont souhaité les garder dans les cimetières où elles ont été inhumées, précise L'Obs

Geneviève De Gaulle-Anthonioz

4/6

Simone Veil, ancienne ministre et militante invétérée des droits des femmes

Guillaume SQUINAZI/GettyImages

C’est la première femme à voir son parcours et son engagement salués par la nation toute entière et à ainsi entrer au Panthéon sans devoir attendre des décennies. Simone Veil, ancienne déportée juive, connue notamment pour avoir porté la loi légalisant l'IVG en 1974 alors qu'elle était ministre, décède en 2017. Le président Emmanuel Macron, à la demande majoritaire des Français.es, la fait inhumer au sein du monument le 1er juillet 2018.

Une grandiose cérémonie lui est alors dédiée. Son convoi, parti du mémorial de la Shoah, s'est arrêté trois fois pour signifier les grands combats de sa vie : les droits des femmes, la construction européenne (elle est le première femme présidente du Parlement en 1979, ndlr) et enfin la mémoire de la déportation, rappelle Le Monde.

Dès le début de son allocution, Emmanuel Macron clame : "La décision de faire entrer Simone Veil au Panthéon ne fut pas seulement la mienne ni celle de sa famille, mais celle de tous les Français".

Son époux, décédé en 2013, est le premier à entrer au Panthéon en tant qu'époux pour reposer avec sa femme.

Ça tourne !
5/6

Joséphine Baker, première femme noire au Panthéon le 30 novembre 2021

Keystone-France / Getty Images

Si le nombre de femmes présentes au Panthéon est longtemps resté nul, ces dernières années, bon nombre de pétitions, et campagnes menées sur les réseaux sociaux ont émergé pour faire entrer davantage de femmes au Panthéon. Parmi les plus citées : l'avocate Gisèle Halimi, les écrivaines et féministes Olympe de Gouges et Simone de Beauvoir...

Récemment, une nouvelle pétition a fait parler d'elle : "Osez Joséphine", disponible sur Change.org. Les initiatrices et signataires demandaient la panthéonisation de Joséphine Baker. Une requête entendue et validée au plus haut sommet de l'Etat puisque le 21 août 2021, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé l'entrée au Panthéon de Joséphine Baker le 30 novembre 2021.

L'artiste née en 1906 et décédée en 1975 à Paris est mondialement connue pour sa carrière de chanteuse, danseuse, actrice et meneuse de revue. Mais elle l'est aussi pour son courage et son engagement dans la Résistance lors de la deuxième guerre mondiale (elle endossera le rôle d'espionne au service de la France, fera passer des messages à l’encre invisible pendant ses tournées, cachés dans ses partitions, cachera des armes, des résistants et des réfugiés juifs jusqu'à la Libération...), ainsi que pour sa lutte pour les droits des Noir.es aux Etats-Unis, aux côtés de Martin Luther King, et en France.

6/6

Mélinée et Missak Manouchian, rescapés du génocide arménien et résistants, réunis sous la crypte

Alamy/ABACA

Mercredi 21 février 2024, Mélinée Manouchian a fait son entrée au Panthéon avec son époux, le poète et résistant arméien Missak Manouchian, environ 35 ans après son décès, condamné à mort et fusillé au Mont-Valérien avec d'autres résistants communistes de "L'affiche rouge" le 21 février 1944.

Après quoi, Mélinée adopte le pseudonyme de Jacqueline Albertini pour poursuivre la résistance jusqu’à la fin de la guerre. Naturalisée française, elle se porte volontaire pour un programme soviétique visant à repeupler l’Arménie en 1947, avant de revenir en France au début des années 1960, déçue par le politique menée en URSS.

Veuve de guerre, Mélinée participe à la fondation de l’Amicale des anciens résistants français d’origine arménienne et lutte pour la reconnaissance du génocide arménien. Elle meurt en 1989, enterrée au cimetière d’Ivry, loin de Missak, au "carré des fusillés". Séparés durant la guerre, puis dans la mort, les Manouchian seront enfin réunis au Panthéon. 80 ans après leur dernière étreinte.

Leur intronisation marque un moment fort pour la mémoire arménienne, mais aussi pour la résistance, à laquelle cette militante intrépide a pris part tout au long de sa vie.

La Newsletter Époque

Phénomènes de société, reportages, people et actualités... l'air du temps décrypté.