Entretien avec Hanna Assouline, une porte-voix dont les mots justes et choisis leur font honneur.
Rencontre avec la figure de la paix Vivian Silver, désormais otage
Hanna Assouline : Le mouvement "Les Guerrières de la Paix" a été créé il y a deux ans, dans un moment précis où le conflit israélo-palestinien était en plein embrasement, et où, partout - sur les réseaux sociaux, dans les médias - on entendait des appels à la haine, des paroles très radicales, ou simplement, qui manquaient de complexité, et qui attisaient la haine entre les différentes communautés. Nous étions alors nombreuses, femmes juives et musulmanes, de toutes cultures, à se sentir orpheline d’une voix un peu plus nuancée, qui nous représenterait.
Quand je repense à toute la lumière et la force de ces femmes israéliennes et palestiniennes, cela me rassure. Elles sont l'espoir auquel je me raccroche.
Vous avez accompagné une délégation de femmes marcher pour la paix aux côtés de Palestiniennes et d'Israéliennes. Ce rassemblement a eu lieu trois jours avant les attaques du Hamas en Israël. Racontez-nous votre voyage.
Nous avons marché le 4 octobre dernier auprès des militantes pour la paix, palestiniennes et israéliennes. À l'unisson, elles ont crié : "Assez, on veut offrir un autre avenir à nos enfants", qu'elles espéraient l'arrêt de ce cycle de violences et de haine.
Nous avons prolongé ces rencontres avec un voyage, au cours duquel nous avons écouté leurs récits forts, beaux, remuants, qui ont bousculé nos projections ou certitudes, et nous ont aidé à mieux comprendre la complexité de la situation. Nous avons été partout dans la région, notamment dans les kibboutz dans le sud d'Israël, frontaliers avec Gaza, qui ont subi quelques jours plus tard les massacres perpétrés par le Hamas. Dans le kibboutz de Be’eri, nous avons longuement échangé avec Vivian Silver, figure pour la paix [cofondatrice l'association Women Wage Peace notamment, qui apporte une aide humanitaire aux habitants de Gaza, ndlr]. Nous avons été bouleversées par son engagement, cette lueur dans ses yeux, cet espoir toujours vibrant, alors qu'à 74 ans, elle en a vu des guerres et des situations qui s'enlisent...
Vivian Silver a été enlevée par le Hamas samedi matin. Des informations contradictoires nous parviennent. Certaines nous disent qu'elle est morte, d'autres que ce n'est pas officiellement confirmé. Nous sommes en apnée, dans l'attente de savoir ce qu'il en est. Nous avons l'impression d'une "rupture dans l'espace-temps", pour reprendre l'expression de Delphine Horvilleur, qui exprime le plus justement ce que l'on ressent. Nous avons beaucoup pleuré, toutes ensemble.
À peine rentrées, vous apprenez les massacres de civils, déclenchant le début d'une nouvelle guerre. Qu'éprouvez-vous alors et depuis ?
De l'effroi, de la sidération, de la tristesse, et de l'inquiétude concrète pour nos proches. Des membres de ma familles sont sous les abris, d'autres de ma belle-famille sont morts. Nous sommes dans ce temps du deuil, et en même temps, on voit bien cette vague poindre en France, celle des querelles politiques, des propos indignes, des justifications ou relativisation. C'est un peu la double peine, le double coup de massue.
Il y a d'une part l'horreur, de l'autre, le sentiment qu'on ne sait pas être unis face à celle-ci, porter une seule et même voix d'indignation et d'humanité.
Mais quand je repense à toute la lumière et la force de ces femmes israéliennes et palestiniennes, cela me rassure. Elles sont l'espoir auquel je me raccroche. Malgré la douleur, j'ai le sentiment vibrant que plus que jamais, ces voix doivent être entendues.
Je ne suis pas en train de parler de trois hippies déconnectées de la réalité, qui font des marches utopistes, mais de femmes qui, de deux parts, ont enterré leurs proches à cause de ce conflit et qui sont plus légitimes qui quiconque à porter une voix.
Pour une paix durable, le pragmatisme des femmes sur le terrain
*Source : Nations Unies. "Prévenir les crises et les conflits: Le rôle des femmes dans les processus de paix actuels"
En vidéo dans l'article, la bande-annonce du documentaire "Les Guerrières de la Paix", réalisé par Hanna Assouline.