Ils étaient mariés depuis plus de vingt ans. Et elle ne l'avait pas vu depuis les deux dernières. Larmes aux yeux, Ioulia Navalnaïa s’est exprimée vendredi 16 février 2024 sur la mort de son époux, l'opposant russe Alexeï Navalny, annoncée juste avant sa prise de parole à la Conférence de sécurité de Munich, en Allemagne.
Derrière son pupitre, l'économiste 47 ans et soutien infaillible de son mari, a, une nouvelle fois, fait preuve d’un grand courage. "Courage", cet adjectif qui lui est souvent attribué dans la presse.
Un discours prononcé juste après avoir appris son décès
Larmes aux yeux, mais d'une voix déterminée, la femme née à Borisovna Abrosimova (Moscou) en juillet 1976 s'est adressée au président russe - "ce monstre", dit-elle dans son discours relayé par LCI, entre autres -, ainsi qu'à toutes les personnes qui gravitent autour de lui : "Je voudrais que Poutine, tout son personnel, tout son entourage, tout son gouvernement, ses amis, sachent qu'ils seront punis pour ce qu'ils ont fait à notre pays, à ma famille et à mon mari. Et ce jour viendra très bientôt", dit-en encore, en reprenant sa respiration.
"Nous devons combattre ce régime horrible. Vladimir Poutine doit personnellement être tenu pour responsable de toutes les atrocités qui ont été commises au cours des dernières années dans notre pays", conclut Ioulia Navalnaïa, face à une assemblée qui se lève pour applaudir son courage.
D’après les services pénitentiaires (FSIN), Alexeï Navalny est mort dans la prison de l'Arctique en Russie, où il était détenu dans de terribles conditions. Il était alors condamné à une peine de 19 ans de prison pour "extrémisme". Pour l’heure, les causes de son décès n’ont pas encore été établies et les proches du défunt accusent les autorités russes de "tout faire pour ne pas avoir à remettre" le corps. En réaction à cette terrible nouvelle, Ioulia Navalnaïa a eu une puissante et digne prise de parole.
La veuve d'Alexeï Navalny appelle les Russes à la rejoindre
Ce lundi 19 février 2024, Ioulia Navalnaïa s'est exprimée via le compte Instagram de son défunt mari, qui était suivi par des millions d'abonnés. En vidéo (aussi publiée sur son compte X), face caméra, elle dénonce accuse le gouvernement russe, Vladimir Poutine avant. Selon elle, l’homme a "tué" son mari et le père de ses enfants. "Avec lui, (Poutine) a voulu tuer notre espoir, notre liberté, notre futur", martèle-t-elle.
Elle assure qu’elle poursuivra le combat du disparu : "Je continuerai pour notre pays, avec vous." Et s'adresse directement aux internautes : "Je vous appelle tous à vous tenir près de moi (...) Ce n'est pas une honte de faire peu, c'est une honte de ne rien faire, c'est une honte de se laisser effrayer."
Un couple uni et politique
Dimanche 18 février, l’économiste diplômée de l’Académie économique de Plekhanov a publié une touchante photo sur son compte Instagram, sur laquelle Alexeï Navalny l’embrasse sur le front. En légende, la veuve écrit "je t’aime" en russe.
L’an passé, elle avait exprimé au quotidien allemand Der Spiegel son profond espoir de retrouver le père de ses enfants : "J’espère et je crois que je verrai Alexeï libre. Rien n'est impossible quand vous êtes amoureux."
Depuis plusieurs années, les parents de Dasha, née en 2001, et Zakhar, né en 2008, sont considérés comme les premiers opposants de Vladimir Poutine. À chaque étape de l'engagement politique d'Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa s'est tenue à ses côtés, devenant, elle aussi, malgré elle, une figure politique importante et très populaire.
En 2020, alors qu’Alexeï Navalny est empoissonné en Sibérie par une substance de "type Novitchok", un agent innervant, elle parvient à l'évacuer de Russie, l'emmener en Allemagne, "alors qu'il se trouvait dans le coma, aux mains de médecins locaux qui refusaient de le laisser partir", relate l’AFP (Agence-France Presse). Cinq mois plus tard, le couple prend l’avion pour rentrer à Moscou. Arrivé à l’aéroport, les deux sont séparés au contrôle des passeports. Après une brève accolade avec son épouse, Alexeï Navalny est arrêté par les autorités russes.
Des rassemblements réprimés
Depuis la mort de l’opposant russe, plusieurs manifestations et des hommages ont eu lieu en Europe. Entre l'annonce de son décès et samedi 17 février au soir, 401 personnes auraient été arrêtées par le régime russe, d’après le bilan de l'ONG spécialisée OVD-Info, cité par France Info. Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l'Union Européenne, a par ailleurs annoncé sur Twitter que la femme endeuillée sera accueillie au Conseil des affaires étrangères ce lundi 19 février. "Les ministres de l'UE enverront un message fort de soutien aux combattants de la liberté en Russie et honoreront la mémoire d'Alexeï Navalny", a-t-il ajouté.
Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani écrit, dans un communiqué, que les déclarations de la femme allaient "aider tous les Européens à mieux comprendre quel type de système violent nous devons affronter et contenir en Ukraine". Et poursuit : "Cela nous fait ressentir la menace qui pèse sur les citoyens russes et toutes les régions de notre Europe, un continent où la violence, la brutalité et la guerre ont été rétablies d'une manière honteuse et irresponsable."