Tout l'année, elle voyage à travers le monde pour prêcher sa parole bienveillante en faveur du respect animaux et l'espoir qu'un monde moins cruel et pollué est possible. La célèbre éthologue (qui étudie le comportement des animaux) et primatologue Jane Goodall est une écologiste infatigable.

À 90 ans, début décembre 2023, elle était de passage à Paris pour inaugurer sa statue de cire au musée Grévin. Malgré son emploi du temps de ministre, elle a accepté de nous rencontrer et de revenir sur sa carrière impressionnante. Elle raconte généreusement, à qui accepte de voir la vérité en face, sa vie trépidante et son expérience auprès des primates, du Congo au Kenya.

Jane Goodall a changé la perception des animaux

Ses photos ont fait le tour de la planète, on l'y voit entourée de chimpanzés, songeuse dans la jungle... Véritable icône contre la cruauté animale et la féminisation du monde scientifique, Jane Goodall a révolutionné les rapports entre les humains et les animaux, prouvant qu'ils étaient capables de se servir d'outils et qu'ils étaient dotés d'émotions et de personnalités propres.

De ses années d'observations scientifiques inédites, elle se souvient par exemple des premiers instants, succincts, avec un chimpanzé. Jane Goodall admet que c'est sa persévérance qui lui a permis d'apprivoiser leur confiance :  "La première fois que j’ai vu un chimpanzé, il était effaré de me voir et il a tout de suite pris la fuite. Ça duré comme ça pendant quatre mois, jusqu’à ce qu’un premier individu n’ait enfin plus peur de moi."

Ce chimpanzé, c'était celui qu'elle surnommait "David barbe grise", du fait de sa blancheur au menton, sa "première observation vraiment excitante". Elle décrit leur rencontre : "Je l’ai vu ramasser une branche pour attraper des termites dans un nid sous la terre et les récupérer avec ses lèvres. Il prenait des brindilles et enlevait les feuilles, pour s’en servir comme outils. C’est quelque chose que l’on pensait alors exclusif à l’Homme."

Des souvenirs avec les chimpanzés, à qui elle a systématiquement donné des noms malgré les réticences de ses pairs masculins, Jane Goodall en a pléthores, précieusement gravés dans sa mémoire d'éléphant ou bien immortalisés par des documentaristes animaliers suivant ses aventures. Quelques instants de grâce, comme en en 2013, lorsqu'elle a assisté à la réintroduction d'une femelle, "Wounda", dans la nature, cette dernière, avant de s'élancer dans la jungle, s'est tournée vers la scientifique et lui a offert un long câlin. Pourtant, Jane Goodall n'avait passé que peu de temps avec la femelle, contrairement à sa soigneuse qui était sur place également. Une scène fascinante, qui entretient la légende des liens créés par la primatologue avec ces grands singes.

Mais c'est d'une autre interaction dont se souvient pour nous Jane Goodall, celle, au début de ses observations, durant laquelle une vieille femelle nommée "Flo" a permis à son bébé de 5 mois de s'approcher d'elle et de lui toucher le nez du bout du doigt : "Cette scène a eu lieu grâce à la confiance de la mère et à la curiosité de son bébé. C’était un moment très spécial pour moi", confie la scientifique.

Des centaines de conférences et d'actions locales

Portée par ses découvertes scientifiques mais effrayée par le sort réservé aux chimpanzés et à la destruction de leur habitat, Jane Goodall a créé l'Institut qui porte son nom et des programmes de préservation et de sensibilisation dans plus de 70 pays du monde. "Quand j’ai commencé à voyager et regarder comment je pouvais aider les chimpanzés qui étaient dans d’horribles conditions, en captivité, dans les laboratoires de recherches ou des petits zoos, il y avait déjà des personnes prêtes à aider. J’ai toujours vu des gens qui ressentaient ce besoin comme moi. Ce qui est fascinant, c’est qu’au fil des années, énormément de groupes de protection, de préservation, de lutte pour les droits des animaux ont fleuris", souligne-t-elle.

Je n’ai pas le choix, ma principale mission aujourd’hui est de donner de l’espoir aux gens, parce que si nous le perdons, ce serait la fin.

L'institut Jane Goodall contribue à informer, aider et prendre en compte les problématiques des locaux, dont certains sont en situation de grande pauvreté et tente avant tout de survivre au quotidien, rappelle-t-elle. Mais aussi d'encourager la jeunesse à prendre en main la lutte contre le dérèglement climatique.

Si l'enjeu semble insurmontable, Jane Goodall reste concentrée sur le concret : "La fenêtre d'action est toujours en train de se refermer mais cela signifie que tout le monde, pas seulement la jeunesse, que chaque individu sur Terre qui ne vit pas dans la pauvreté, des acteurs du business, de la politique, doivent penser à la façon dont ils vivent dans ce monde chaque jour. Car, lorsque l’on comprend, que l’on choisit ce que l’on consomme, qu'on sait comment cela a été fabriqué, au détriment de l’environnement, avec cruauté animale, ou si c'est peu cher car exploitant une main d’oeuvre pauvre, alors on peut dire non."

Si elle confie avoir du mal à suivre le rythme de l'icône Jane Goodall, elle qui se dit en réalité très timide, elle estime que c'est son devoir de profiter de son "don de communication" afin de répandre l'envie d'agir : "Des gens me confient 'J’avais perdu espoir et maintenant je promets que je ferai ma part'. Je n’ai pas le choix, ma principale mission aujourd’hui est de donner de l’espoir aux gens, parce que si nous le perdons, nous tombons dans l’apathie, nous n’agirons pas, et ce serait la fin."