"Derrière chaque grand homme se cache une femme", disait l’homme d’État français Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. Dans le cas d’Henri Matisse, cette femme n’est autre que sa fille, Marguerite Duthuit. Tour à tour inspiration résistante, secrétaire, peintre elle-même… Son influence sur l’œuvre et la vie de son père ne peut être ignorée. Mise à l’honneur jusqu’au 24 août 2025 dans l’exposition Matisse et Marguerite : le regard d’un père au Musée d’Art moderne de Paris, elle sort enfin de l'ombre. Mais qui était-elle ?
Fille et inspiration à la fois
Marguerite naît en 1894, hors mariage, d’une union entre Matisse et l’une de ses modèles, Caroline Joblaud. Elle grandit aux côtés de son père et de sa femme, Amélie Parayre. De ce mariage naissent deux fils : Jean en 1899 et Pierre en 1900.
Dès son plus jeune âge, Marguerite devient le sujet de prédilection de son père, qui voit en elle une figure d’intériorité et de sensibilité. Elle est notamment représentée enfant dans Intérieur à la fillette (1905-1906), Marguerite lisant (1906) ou encore Marguerite (1906-1907).
Selon Hilary Spurling, biographe de Matisse (Matisse : The Life, 2009, éd. Penguin), ce lien père-fille est fondé sur une "grande intimité" et une "complicité intellectuelle hors norme". Marguerite est, dès l’adolescence, intégrée au processus créatif. "Elle observe, commente, trie les esquisses et assiste parfois à la conception des toiles", précise la biographe. Elle comprend l’art de son père de l’intérieur, avec une sensibilité fine et une rigueur rare.
Marguerite Duthuit Faure Matisse, résistante
En 1923, Marguerite épouse l’écrivain Georges Duthuit. Peu à peu, elle disparaît des tableaux de son père, mais continue d’œuvrer dans l’ombre. Alors qu’il s’installe à Nice, Marguerite endosse le rôle de partenaire de travail. Elle l’aide à organiser ses expositions, gère sa correspondance, classe ses papiers et devient une interlocutrice essentielle pour ses marchands. Le Musée d’Art moderne de Paris a d’ailleurs réuni, pour son exposition, de nombreux documents attestant de cet investissement.
Alors que la Seconde Guerre mondiale sévit en France, Marguerite poursuit son rôle de défenseure de l’art de son père, mais s’engage aussi dans la Résistance. Se faisant appeler "Jeannette", elle rejoint le réseau clandestin du Front National, celui des Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.), comme le précise Artnet, une plateforme allemande dédiée au marché de l’art international. En 1944, Marguerite est arrêtée à Grenoble par la Gestapo et torturée ; elle est déportée à Ravensbrück, comme le rapporte The Guardian. Marguerite parvient à s’échapper du train la menant en Allemagne et sera finalement secourue par d’autres résistants, précise Artnet.
Les derniers portraits de Marguerite
Resté à Nice, Matisse retrouve sa fille en 1945. Alors qu’il ignorait tout des activités de résistante de son aînée, il écrit, selon la plateforme allemande : "J’ai vu en réalité, matériellement, les scènes atroces qu’elle a décrites et jouées pour moi."
Face au courage de sa fille et malgré la maladie qui l’affaiblit, l’artiste dessine une dernière fois le portrait de Marguerite au fusain. En noir et blanc, elle est alors âgée d’une cinquantaine d’années, et les deux œuvres, empreintes de mélancolie, témoignent de la tristesse d’un père face à la douleur de sa fille.
Gardienne de l’œuvre
Marguerite consacre ensuite le reste de sa vie à l’œuvre de son père. Lorsque ce dernier s’éteint en 1954, elle est à ses côtés. La biographe Hilary Spurling écrit qu’après la mort de Matisse, sa fille part "immédiatement avec la valise qu’elle avait gardée pendant 15 ans".
Son rôle est central dans la constitution du fonds Matisse et dans la défense de la mémoire de son père face aux interprétations parfois déformantes du marché de l’art. Lorsqu’elle meurt à son tour en 1982, à l’âge de 87 ans, elle travaillait encore à cataloguer l’ensemble des œuvres de Matisse. Elle aura dédié sa vie à son père et à son art. Femme de l’ombre, le succès de Matisse lui doit beaucoup : son travail et son implication en furent les piliers invisibles.
"Matisse et Marguerite : le regard d’un père" au Musée d'Art Moderne de Paris jusqu’au 24 août 2025.
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