Cela fait quelques saisons que la notion de reverse aging (inversion du vieillissement) est entrée en cosmétique. La raison ? La recherche mondiale en matière de connaissance des mécanismes du vieillissement, de sénescence cellulaire, a fait un bond ces dix dernières années avec, notamment, des équipes de scientifiques qui ont réussi à reprogrammer des cellules à un stade "jeune" sur des modèles animaux. En attendant des applications à l'homme, la notion d'épigénétique (l'impact de l'environnement sur l'expression des gènes) rend possible aujourd'hui une réelle stratégie pour bien vieillir.
En améliorant son mode de vie – activité sportive, alimentation, gestion du stress... –, on sait que l'on peut ralentir le phénomène. "Les toutes dernières données montrent que seuls 7% de l'évolution du vieillissement sont liés aux gènes, c'est absolument incroyable, cela signifie que l'on peut agir sur tout le reste", s'enthousiasme Michèle Evrard, la fondatrice de Cosmetics 27.
Pour la peau, la cosmétique est l'un des leviers d'action. Les marques se sont plus que jamais emparées du sujet, avec des stratégies pour agir au niveau cellulaire, renouant avec un discours scientifique axé sur la biologie de la peau. Mais que penser des bénéfices jeunesse avancés ? "Ce n'est pas que du marketing. Probablement, les discours anti-âge l'étaient il y a une vingtaine d'années, parce qu'on ne connaissait pas réellement les mécanismes d'action que l'on maîtrise maintenant. De nombreuses sociétés cosmétiques travaillent avec des scientifiques de la recherche fondamentale, qui connaissent justement très bien ces mécanismes, pour essayer de les transposer. Si les laboratoires veulent aller plus loin dans la performance de leurs produits, ils n'ont pas d'autre choix aujourd'hui. Cela ne veut pas dire qu'on va avoir un visage qui va revenir dix ans en arrière, mais au niveau cellulaire, il se passe de vraies choses", estime Jean-Marc Lemaitre, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur de l'Institut de médecine régénérative et de biothérapie de Montpellier, auteur de Décider de son âge (Allary Éditions).
Lutter contre la sénescence cellulaire
Une cellule sénescente est une vieille cellule qui n'est plus capable de se diviser et qui est donc vouée à disparaître par un processus d'autodestruction, l'autophagie. Dans une peau jeune, on trouve environ 2% de ces cellules. Avec l'âge, elles s'amassent au lieu d'être éliminées, et vers la quarantaine, elles atteignent les 20 %.
Problème, elles créent de l'inflammation. Or l'inflammation, cela veut dire un vieillissement qui s'accélère. La marque d'institut hightech Biologique Recherche a axé son dernier sérum Progeskin sur ce mécanisme. La formule cible deux protéines naturellement présentes dans la peau, la progérine, qui s'accumule avec l'âge et accélère la sénescence cellulaire, et Klotho, qui, elle, augmente la résistance au stress des cellules et retarde leur processus de vieillissement.
En diminuant la synthèse de progérine et en renforçant l'activité de Klotho, le soin améliore la fermeté, l'élasticité et la qualité globale de la peau. Helena Rubinstein propose, elle, un sérum de nuit, Powercell Skin Rehab, qui s'oppose, en combinaison avec le sérum de jour Powercell Skinmunity, aux méfaits d'une vie en environnement pollué. Au cœur de cette nouvelle formule de nuit qui restaure les capacités de régénération cutanée, le Saitophage, un extrait de levure fermentée qui élimine les cellules sénescentes en mimant le processus d'autophagie.
Un complexe peeling doux améliore, en complément, le relief cutané et l'homogénéité du teint. En catégorie ultraluxe, La Prairie rallonge la durée de vie cellulaire grâce à l'Exclusive Matrix Complex qui optimise la communication entre les cellules, une information de qualité étant la clé du fonctionnement d'une peau jeune. Avec, pour conséquence, une amélioration de tous les signes de vieillissement.
Cibler des marqueurs épigénétiques
Le laboratoire Eucerin revendique quinze ans de recherche pour la mise au point du Sérum Épigénétique HyaluronFiller. Son actif clé, l'Epicelline, a été isolé parmi 50 000 ingrédients grâce à la technologie Age Clock, brevetée Beiersdorf.
Pour faire simple, il s'agit d'un algorithme d'intelligence artificielle capable de calculer l'âge biologique de la peau (versus son âge chronologique) à partir de plus de 850 000 marqueurs épigénétiques. Les ingrédients actifs ont été testés sur leur capacité à activer les gènes de jeunesse, qui, sous l'effet de l'environnement, sont rendus inopérants. C'est ainsi que l'Epicelline a été sélectionnée pour son action sur 11 gènes de jeunesse cutanée sur les 34 identifiés. Un test d'efficacité par intelligence artificielle a permis d'obtenir des mesures hyperfines des résultats sur la diminution de la profondeur des rides du front, du contour des yeux, des joues, du sillon nasogénien.
De son côté, Clarins a initié, pour accompagner le lancement de la nouvelle version de son produit star, Double Serum, deux tests inédits sur des jumelles. En amont, un protocole mené sur 60 jumelles homozygotes a permis d'identifier, en comparant leur intensité d'une jumelle à l'autre, les signes de vieillissement liés à l'épigénétique. Ensuite, la recherche a sélectionné un extrait de roseau de Provence capable de lutter contre les inhibiteurs de gènes de jeunesse. Un actif qui vient s'ajouter à la formule antiâge globale.
Pour valider l'efficacité du produit final sur les signes épigénétiques de vieillissement – rides, éclat et homogénéité du teint –, un second test a été mené sur des jumelles de 37 à 64 ans, avant et après vingt-huit jours d'application du produit. "C'est la première fois que l'on modélise ces signes d'âge liés au mode de vie sur des vraies jumelles. Il y a une notion très positive qui montre que l'on peut avoir la main sur la vitesse et la façon dont on vieillit. Même si on ne prend de bonnes résolutions qu'à 50 ans, ce n'est pas trop tard", commente Marie-Hélène Lair, directrice de la communication scientifique de Clarins.
Prouver de manière de plus en plus fine et précise l'impact réel des produits sur la peau est le nerf de la guerre pour aller plus loin dans les preuves d'efficacité.
Utiliser de nouveaux protocoles de tests
L'usage de peaux reconstruites est l'un des outils employés par le groupe L'Oréal. "La Skin Technology by L'Oréal combine le meilleur de la biologie, de la mécanique et de l'électronique pour créer des modèles inclusifs qui imitent la complexité de la peau humaine. Cela améliore notre compréhension de la peau car ces modèles nous aident à décrypter les mécanismes biologiques fondamentaux avec une précision accrue. D'autre part, cela nous permet de tester dans des conditions réalistes en reproduisant fidèlement différents types de peau avec des conditions spécifiques (phototype, âge, exposition solaire, etc.)", explique-t-on chez L'Oréal.
`Un procédé qui s'ajoute à d'autres systèmes de pointe. Pour objectiver l'efficacité réelle sur la peau du nouveau Génifique Ultimate de Lancôme, la marque a fait appel à la startup Cydolia et à sa technologie de reconstitution 3D des visages. L'intérêt par rapport aux photos habituelles ? Éliminer les biais visuels d'analyse que sont les différences de lumière, les variables de l'état de la peau selon les moments de la journée.
Michèle Evrard s'est, elle, associée à un laboratoire spécialisé dans le vieillissement et la longévité pour apporter des preuves d'efficacité inédites de la nouvelle formule du Baume 27. "C'est l'action du produit fini qui a été validée, pas celle d'un actif isolé, précise-t-elle. Grâce à des tests très avancés, on a pu doser, entre autres, une augmentation de 58 % en collagène 17, un type de collagène dont on parle très peu et qui est pourtant considéré comme la protéine de longévité, car il stimule la régénération des cellules souches de la peau."
La marque a aussi montré une diminution de 82 % de protéines carbonylées, un effet détox loin d'être négligeable. "La carbonylation des protéines, c'est l'oxydation. C'est un processus dégénératif, car une protéine carbonylée contamine les autres, précise Michèle Evrard. Traduit en langage consommateur, cela veut dire un ralentissement du processus de vieillissement."
Se confronter à la médecine esthétique
Si cosmétique et esthétique sont complémentaires, les procédés et l'efficacité des actes en cabinet sont une source d'inspiration et de comparaison pour les laboratoires. Filorga, qui maîtrise les deux domaines, relance son complexe NCEF, inspiré des injections revitalisantes de mésothérapie, avec une composition optimisée combinant dix actifs reconnus en médecine esthétique – antioxydant, coenzyme, vitamines, acides aminés, minéraux, acide hyaluronique – dans une haute concentration de 10 %.
La marque a montré que l'efficacité à vingt-huit jours sur l'éclat et la texture de peau du Sérum Polyrevitalisant AntiÂge NCEF-Revitalize équivalait à un protocole de trois injections revitalisantes.
Marque appréciée des dermatologues et médecins esthétiques, Skinceuticals lance le sérum P-Tiox, s'inspirant de la toxine botulique pour cibler neuf types de rides de contraction. Une haute concentration en peptides, associés à de la niacinamide et des PHA, lui donne son efficacité lissante visible dès une semaine.
C'est le laser qui a inspiré à Dior son nouveau soin Rétishot Capture Totale. Grâce à un rétinol très pur et concentré à 0,1 %, associé à du longoza multifermenté, la marque avance une qualité de peau deux fois meilleure après une semaine et une peau à l'aspect rajeuni de six ans en un mois.
Le laser est aussi la source d'inspiration de Shiseido pour sa crème Skin HIForce. L'idée : reproduire l'effet de l'hypoxie (baisse de la concentration en oxygène) provoquée par le traitement esthétique. Un état qui pousse la peau à actionner sa réparation et son renouvellement. La marque japonaise a sélectionné deux actifs, la Lhydroxyproline et l'extrait de trèfle rouge qui vise l'expression de gènes activés lors de cet état. La production de collagène et d'élastine est amplifiée, la réparation cellulaire, activée. La peau est plus ferme et pulpeuse. Des résultats à optimiser avec une alimentation saine et un peu d'activité quotidienne.
Article publié dans le magazine Marie Claire N° 866.