[Édit : ce reportage a été publié en juin 2024, à l'occasion du premier anniversaire de la disparition de Nahel, fils de l'interviewée, Mounia Merzouk. Cet article est de nouveau mis en avant sur notre site ce mardi 4 mars 2025. Ce jour-là, le parquet de Nanterre a requis un procès pour meurtre contre le policier qui a tué l'adolescent d'une balle à bout portant lors d'un refus d'obtempérer en voiture. Précisément, il réclame "le renvoi du policier mis en examen (…) du chef de meurtre, et le non-lieu du chef de complicité de meurtre pour le second policier présent lors des faits". "Une décision conforme à la réalité des faits, a réagi Me Franck Berton, avocat de Mounia Merzouk, auprès de BFMTV. C'est sûrement la première fois qu’un policier va aller aux assises sous accusation de meurtre."]
Depuis de longues minutes, rien n'a bougé au cimetière de Nanterre. Sauf à considérer, de temps en temps, des touches de rose qui frémissent, celles d'immenses pommiers en fleurs qui veillent les morts. Le visage durement marqué, Mounia Merzouk, livreuse pour des laboratoires pharmaceutiques, reste blottie dans sa voiture. Une prière s'échappe du poste de radio. Ses cheveux sont couverts, "par respect" pour le carré musulman où repose son fils Nahel, sous un rectangle de galets clairs et de fleurs fraîches.
Des coupelles remplies d'eau encadrent sa pierre tombale, "pour que les oiseaux s'abreuvent sur lui" et lui commissionnent "des bonnes actions" à réaliser au ciel, souffle la mère. Un rituel tout en tendresse, très répandu dans le monde musulman. Au centre, le bloc de marbre porte une seule mention : "Je t'aime mon fils."
Deux jeunes garçons s'approchent, silhouettes minces et sombres. Creusé par les larmes, le visage de la quarantenaire s'allume alors. Elle se lève pour les serrer dans ses bras. Méfiants face aux journalistes qui l'accompagnent, les adolescents joignent leurs mains et murmurent rapidement une prière. Ils s'esquivent sans un mot, les yeux mouillés. Le plus jeune des deux est un ami de Nahel Merzouk. Il l'a vu mourir, le 27 juin 2023.
Ce matin-là, au volant d'une puissante Mercedes jaune qu'on lui avait prêtée, Nahel roule dans les rues de Nanterre. Il n'a pas de permis de conduire. Deux policiers à moto le prennent en chasse. La course-poursuite est dangereuse, jusqu'à ce que la voiture soit stoppée par un embouteillage.
Les policiers, debout côté conducteur, mettent alors Nahel en joue. La suite, filmée par des témoins, fera le tour du monde. Après un échange physique et verbal qu'on devine violent – l'enquête préliminaire évoque deux coups de crosse probables portés au garçon, et des menaces de mort à son endroit –, Nahel Merzouk reçoit une balle en plein thorax alors qu'il semble faire démarrer sa voiture. La Mercedes jaune finit sa course dans un panneau quelques dizaines de mètres plus loin. Les secours ne parviennent pas à le ranimer.
La mère, qui s'est précipitée sur les lieux du drame, suppliera qu'on la laisse approcher du corps gisant au sol. En vain. Des "hurlements pas humains" vibrent encore auprès de ceux qui l'assistaient ce jour-là, témoigne un ami. "C'est les chiens qui meurent au sol. Là, c'était mon bébé. Et j'avais peur qu'il prenne froid", commente-t-elle.
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