Depuis #MeToo, personne ne conteste plus la réalité ni l’ampleur des violences sexuelles : 94 000 viols ou tentatives de viols commis chaque année, soit un.e toutes les 7 minutes. Et après, que se passe-t-il ?

Après la plainte (ou pas), après la douche qui ne lave rien, que se passe-t-il dans la tête et le corps de la victime ?

Des victimes racontent l’après

L’après du viol est le temps des séquelles : stress post-traumatique, dépression, anxiété, suicides, auto-mutilation, dissociation, maladies de peau, douleurs musculaires, conduites à risque.

L’après du viol reste l’angle mort des violences machistes. Une violence après la violence, qui continue son travail, à bas bruit, en marge des statistiques. Un volet que les pouvoirs publics prennent peu en compte, et qui pourtant, affectent le quotidien de victimes par milliers, longtemps, parfois toute la vie.

Comment réussir à fonctionner après ? Peut-on s’en remettre ? Comment faire la paix avec son corps effracté ? Est-ce qu’en parler libère ? Comment réussir à en parler ? Comment se répare-t-on ? Peut-on seulement se réparer ? Ces questions, le formidable podcast Nous guérir les explore.

Imaginée et réalisée par Malika Beloucif et Alice Lefilleul, cette série documentaire en cinq épisodes, donne la parole à des personnes victimes de violences sexuelles.

Avec des mots rares et intimes, Sabrina, Léo, Noémie, Sehlyn, Vincent, Julie et d’autres racontent le bricolage existentiel qu’ils.elles mettent en place, la cohorte de symptômes qui leur colle au corps et au cœur, le faisceau de séquelles comme une double peine.

Ça tourne !

Chaque épisode tend également le micro à des "professionnels de la réparation" psychique et corporelle : des psychologues, responsables d’associations, animatrices de groupes de parole, d’ateliers de danse, de rap, viennent éclairer ces confidences, et offrent à l’auditeurice, des outils de compréhension et des pistes d’accompagnement.

L’amnésie traumatique qui protège, le silence plutôt que les mots qui peuvent faire revivre le traumatisme, le pouvoir de l’expression créative aussi, pour donner un sens à une vie brisée.

La reconstruction est un processus lent, douloureux, difficile et, il faut le dire, possible. Les réalisatrices du podcast, Malika Beloucif et Alice Lefilleul en savent quelque chose, victimes elles-mêmes de violences sexuelles.

Elles se sont rencontrées chez Making Waves, une radio associative d’intérêt général basée en Île-de-France qui produit Nous guérir. "Il y a le viol à l’instant T. Mais après, démerdez-vous", résume Malika Beloucif dans l’épisode 1 de Nous guérir.

Rompre le silence

Dans cette série documentaire engagée, elles insistent sur une donnée-clé de la violence sexuelle : le silence. Le silence pendant et après l’agression, le silence de la société. "Le silence, c’est la grosse muraille à défoncer. C’est ça qui nous empêche, pour beaucoup, de nous réparer."

Elles dénoncent également le caractère systémique de ces violences, et l’absence de moyens consacrés à la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Chacun des cinq épisodes répond bien à l’objectif que s’étaient fixé Malika et Alice : faire de Nous guérir un outil d’accompagnement.

Écouter ces récits, c’est aussi réaliser qu’on n’est pas seul.e.s dans cette traversée, qu’il existe un formidable réseau d’accompagnateurices formé.e.s à ces questions. Un podcast à mettre entre toutes les oreilles.

Nous guérir. Podcast réalisé par Malika Beloucif et Alice Lefilleul, production Making waves, sur toutes les plateformes. 5x30 mn.