"Lorsque l’on fait une crise d’angoisse, on est submergé par la peur de mourir"

femme triste angoissée illustration
"C'est l'angoisse !" Une phrase que l'on prononce sans en mesurer la vraie signification. Pour Adeline, 36 ans, elle se manifeste par des crises qui peuvent être d'une violence extrême, l'amenant même à penser qu'elle est sur le point de mourir. Elle témoigne de ce mal-être physique quasi-permanent.

Pendant de nombreuses années, Adeline, 36 ans, a fait des crises d'angoisse qui se sont manifestées de manière fréquente, jusqu'à la couper du monde. 

Nous avons fait sa rencontre au moment de la sortie de son livre Adieu chère angoisse ! (éd. Payot), dans lequel elle témoigne de cette période difficile à gérer et à surmonter. 

La première crise d'angoisse

"J’avais 18 ans lorsque j’ai eu ma première crise d’angoisse. C'était un soir sur un quai de train, à Sartrouville, dans les Yvelines. Je partais rejoindre mon petit copain de l’époque et j’avais dis à mes parents que j’allais voir des copines. Je n’avais pas peur de prendre le RER tard, ça faisait partie de mon quotidien de jeune banlieusarde.

D'un seul coup, j'ai commencé à ressentir des picotements dans les doigts, à l'intérieur de la bouche, et mon cœur battait de plus en plus vite.

Une douleur me montait à la tête comme une sorte de migraine, je voyais des petits points blancs partout, j'avais l’impression que j'allais faire un malaise.

Ça n'a duré que quelques secondes, mais toutes ces sensations qui se manifestaient en même temps me faisaient penser que j'étais entrain de faire une crise cardiaque. J’essayais de garder mon calme, de voir qui pouvait m’aider autour de moi. Je ne savais pas du tout ce qu’il se passait, j'étais figée par la peur et j'avais l’impression que j'allais m’écrouler par terre dans la seconde. Finalement, j’ai eu un regain d’énergie et de survie, et j'ai réussi à retourner chez mes parents.

Le lendemain, je me sentais mieux mais cet épisode restait dans un coin de ma tête. Rien ne laissait présager ce soir là une crise d’angoisse, et pourtant c’est arrivé sans crier gare. En même temps, quand on est une jeune fille de 18 ans on est forcément stressée. Il y a les relations amoureuses, sexuelles, les études... On est libre et en même temps, cette espace de liberté qui s’ouvre à nous peut faire peur. On se pose énormément de questions.

À la base, je suis une personne joviale, certainement un peu névrosée et anxieuse, mais pas plus que n’importe quelle jeune fille à cet âge. Effectivement je me posais des questions sur ce que j’allais faire, ce dont j’avais envie, sur ce qu'il m’était possible de faire et sur la liberté que je voulais avoir. Après ça, j’étais vigilante, je surveillais mon rythme cardiaque, mon pouls.

Une peur de mourir permanente

Au fil des mois, l’angoisse s’est installée jusqu’à être en moi tous les jours. Ressentir un mal être physique qui peut exploser en une crise me faisait de plus en plus peur. Ce qui est déroutant, c'est que l'on ne sait pas quand les crises vont arriver, alors on les anticipe, on se crée une nouvelle routine où on évite les endroits trop clos, oppressants et les gens qui sont susceptibles de les provoquer. On oublie les balades dans les centres commerciaux et les déplacements en transports en commun. Du coup, on se crée des phobies dont on va se servir pour éviter que l’angoisse refasse surface et tout devient quasi-obsessionnel. On s’embourbe dedans et on ne fait plus rien.

On ne sort plus de chez soi, on ne voit plus personne, on échoue dans ses études tout en se demandant ce qui nous arrive et en essayant de trouver des solutions. On change son régime alimentaire, on fait des prises de sang pour voir si on ne souffre pas de carences, on va voir des médecins, on fait des scanners et des IRM pour essayer de trouver où est la défaillance dans le corps.

Certaines crises restaient en gestation plusieurs jours, semaines avant de se manifester.

Il faut avoir conscience que lorsque l’on a une crise d’angoisse, on est submergé par la peur de mourir, on ne se rend plus compte de rien, ce n'est pas rationnel du tout. On en a fait une la veille et pourtant celle que l’on est entrain de vivre est comme si c’était la première. C'est comme une sorte de trac permanent. 

À force de stresser son corps à ce point on en vient à se dire qu’on risque de vraiment se provoquer une crise cardiaque, que ces émotions vont détruire notre corps à petit feu. Après tout, qui est-ce qui me dit dans ces moments là que je ne suis pas vraiment en train de mourir ? C'est un cercle vicieux.

Un mal insidieux avec lequel on apprend à vivre

Les miennes se manifestaient de deux manières : soit je pensais que j’allais m’étouffer, m'asphyxier toute seule et mourir. Soit j’étais comme bloquée et ma raison n’avait plus de fenêtre sur le monde. Mon cerveau ne 'voyait' plus rien, j'avais une sensation de folie, l’impression que j'allais rester dans cet état toute ma vie. 

Car avoir l’impression d’être fou et que l’on va le rester, c’est un état qui peut vous donner envie de sauter par la fenêtre. Et c’est là que ça devient dangereux. On devient proche d’un état dépressif

Pendant des années je n’ai eu aucune vie amoureuse car je n’en n’avais même plus envie. 

C’est très déstabilisant. Par exemple, on se dit que l'on va faire du sport pour se détendre, mais en vérité on a peur d’en faire. On se dit 'si je commence à courir, mon cœur ne va peut-être pas tenir'. On n'a plus confiance en soi, donc en son corps et on imagine qu’il peut nous lâcher à n’importe quel moment. 

On apprend à vivre avec et un jour où l'on se réveille en allant bien, on se dit que ce n’est pas normal. On prend les choses à l’envers. On est tellement habitué à ce mal qu’il commence à nous définir. On tombe limite en 'amour' pour ses crises d’angoisse. Et la raison pour laquelle on apprend à les aimer, c'est parce qu'elles sont supportables ainsi.

L'importance du soutien psychologique 

J’ai donc décidé d’aller voir une psychiatre. Je l’ai vue de mes 22 à mes 26 ans. Au départ, elle m’a donné des médicaments pour remettre les choses en place - du Prozac et du Lexomyl. Elle faisait de la thérapie comportementale et me donnait des exercices qui m’aidaient au quotidien. Par exemple, elle me demandait de prendre des notes pour décrire mes crises. Sur le moment ça mettait une distance suffisante entre ce que j’étais entrain de vivre et le fait d’en avoir conscience.

Je ne me sentais bien que dans son cabinet et j'avais un besoin physique de la voir plusieurs fois par semaine. Elle me donnait des exercices qui m’aidaient au quotidien. Elle me faisait des séances d'hypnose aussi. Cela a donné des nouvelles références de détente à mon corps. La thérapie m’a aidée, mais pas soignée. J’ai aussi essayé des médecines alternatives comme l’acupuncture ou le shiatsu

Au final, je pense que la nature est bien faite et que la crise d’angoisse est un signal et qu'elle traduit quelque chose de très primitif. Selon moi, elle s’apparente à une langue morte et le cerveau n’arrive pas à la traduire car il a oublié comment on s’en sert. Elle pointe du doigt des contrariétés et cela peut nous aider à identifier, inconsciemment, ce qui ne va pas dans notre vie. Mais pour la comprendre et entamer un dialogue avec elle il faut plus en avoir peur. Mais ça prend du temps.

Un long chemin vers la reconstruction

Au fur et à mesure, je me suis remise dans la vie active et sociale, j’ai eu envie d’avoir un boulot qui me faisait envie, de sortir, de m’amuser. J’ai rencontré mon compagnon avec qui je suis encore aujourd’hui. Je me suis sentie soutenue, j'ai même commencé à faire des choses que je ne faisais pas avant. J'ai réappris à me faire confiance. L’angoisse n’était pas forcément partie, mais elle n’était plus un frein pour ne plus rien faire. Je me suis même surprise à déménager au Canada.

La veille du départ, j’ai fais une grosse crise d'arythmie. Je pense qu'elle était due au stress du déménagement. J'ai été aux urgences et ils m'ont trouvé une toute petite malformation cardiaque, que j'avais apparemment depuis des années, et qui provoque des crises d'extrasystoles régulières. C'est quand le cœur manque un battement ou en fait plusieurs en même temps.  

J’ai été traitée mais deux questions se sont posées : 'est-ce que cette malformation a été causée par l'angoisse ou si j'avais été angoissée parce que je ressentais ces problèmes de cœur sans pouvoir les expliquer ?". Aujourd'hui, je fais une crise d’angoisse par an, elle ne dure quelques secondes et je ne ressens plus les symptômes d’avant. J'ai un réflexe de respiration, de détente. Je ressens juste un frisson qui me traverse tout le corps et c’est fini. Mais il m’aura fallu presque 15 ans pour arriver à cette maîtrise là."

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